Aller au contenu principal

CENTRE DE SOUTIEN ET D'INNOVATION EN PÉDAGOGIE UNIVERSITAIRE

DÉCOLONISATION ET AUTOCHTONISATION


 


CONTEXTE HISTORIQUE


« Pendant plus d’un siècle, les objectifs centraux de la politique autochtone du Canada étaient les suivants : éliminer les gouvernements autochtones, ignorer les droits des Autochtones, mettre fin aux traités conclus et, au moyen d’un processus d’assimilation, faire en sorte que les peuples autochtones cessent d’exister en tant qu’entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales au Canada » (CVR, 2015, p. 3)

Sous le régime français, l’éducation coloniale avait pour but de franciser et de christianiser les Premiers Peuples. Au départ, les missionnaires visitaient les communautés. Des réductions (communautés semblables à des réserves) ont ensuite été créées afin de sédentariser les Premiers Peuples. Continuant cette pratique, des écoles résidentielles menées par des ordres religieux ont été établies en milieux urbains dans le but de réduire l’influence familiale sur les enfants (White et Peters, 2009; Bousquet, 2016). Malgré tout, la métropole n’arrivera pas à christianiser et franciser la majorité des Autochtones vivant sur le territoire réclamé par la France et les tentatives d’éducation formelle seront rapidement abandonnées, bien que les missionnaires continueront de visiter les communautés.

Avec le transfert des prétentions territoriales françaises aux Britanniques, ces derniers prirent plusieurs décennies avant d’imposer une éducation coloniale aux Autochtones. Avec la mise en réserve de plusieurs communautés et l’instauration d’écoles dans celles-ci au tournant du 19e siècle, l’État pris en main l’éducation en 1830 et implanta une politique de « civilisation » (White et Peters, 2009). Constatant l’échec de cette politique, le Canada, héritier des affaires indiennes, créa les écoles résidentielles à l’extérieur des réserves, qui contrairement aux écoles précédentes, devinrent obligatoires. Toutefois, la majorité des enfants autochtones y échappait. C’est alors que le gouvernement canadien favorisa l’assimilation des élèves autochtones au sein des systèmes publics provinciaux. 

De nos jours, les élèves autochtones doivent obligatoirement, comme tout autre élève, aller à l’école. Certaines communautés ont des écoles sur réserves dont l’autonomie varie. Il en reste que les divers systèmes publics provinciaux sont responsables de la majorité des jeunes autochtones. Pour ce qui est de l’éducation postsecondaire, il existe quelques institutions autochtones, ainsi que des programmes et départements spécialisés dans des institutions allochtones.


QU’EST-CE QUE LA RÉCONCILIATION ?


« La réconciliation n’est pas un problème autochtone, c’est un problème canadien » (Honorer la vérité, p. viii), c’est ce qu’affirme la Commission de vérité et de réconciliation (CVR).

Ce problème « consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non autochtones dans ce pays [en prenant] conscience du passé, reconnaître les torts qui ont été causés, expier les causes et agir pour changer les comportements. » (p. 7)

La CVR, qui a étudié les pensionnats autochtones, a lancé 74 appels à l’action, dont certains, entre autres, appellent les universités à: 

  • offrir plus de places aux personnes étudiantes autochtones (11); 
  • offrir des programmes en langues autochtones (16); 
  • former les personnes enseignantes sur les méthodes et connaissances autochtones (62);
  • participer à la recherche sur la réconciliation (65).

Toutefois, ce ne sont pas toutes les personnes autochtones qui sont en accord avec le concept de réconciliation. Or, il importe que la réconciliation à l’UQO ne serve pas seulement à un retour à la normalité coloniale et à la sécurisation du futur des colons (Tuck et Yang, 2012, p. 35) suite aux luttes autochtones.


QU’EST-CE QUE LA DÉCOLONISATION ?


Selon Maldonado-Torres (2007), le colonialisme « désigne une relation politique et économique dans laquelle la souveraineté d’une nation ou d’un peuple est détenue par une autre nation » (p. 243).

Du moment spécifique de la conquête des Amériques par les Européens blancs (Maldonado-Torres, 2007) émerge la codification des relations raciales et le rattachement du travail autour du capital et du marché mondial (Quijano, 2000). Toujours selon Maldonado-Torres (2007), la colonialité est l’intégration de ces deux éléments dans la société.

Cette société devient donc moderne, puisque les « relations matérielles, subjectives et intersubjectives ont été produites aux côtés de l’émergence d’une nouvelle structure de pouvoir eurocentrée, capitaliste et coloniale mondiale » (Quijano, p. 220-221). L’UQO, en cela, peut être définie comme une université moderne. Or, pour de Oliveira Andreotti et al. (2015), la décolonisation est directement en rapport avec la modernité et ses violences. Ceux-ci ont identifié des espaces d’articulation de la modernité et de la décolonisation dans lesquels les universités et les universitaires peuvent se trouver. Ces espaces se distinguent par leurs « différents engagements, analyses et orientations » (p. 25). Ces espaces vont de l’affirmation des valeurs de la modernité à son rejet total. 

Au final, pour Tuck et Yang (2012), la décolonisation de l’école, des méthodologies, et donc, de l’université, n’est qu’une métaphore, puisque ces discours ne reconnaissent pas réellement les peuples autochtones, leurs luttes, leur souveraineté et leurs contributions (p. 2-3) et serait en ce sens vide de sens (p. 7). Au contraire, la réelle décolonisation requiert le rapatriement de la vie et du territoire autochtone (p. 21). 


QU’EST-CE QUE L’AUTOCHTONISATION ?


Encore une fois, plusieurs définitions nous sont offertes. Selon Kory Wilson, « l’autochtonisation [dans le milieu de l’éducation] est relationnelle et collaborative impliquant divers niveaux de transformation, de l’inclusion et l’intégration à l’infusion des perspectives et approches autochtones » (p. x). Cette définition est pratique et s’applique aux milieux postsecondaires. On autochtonise un milieu colonial. Or, pour Kimmerer (2013), l’autochtonisation est, pour les colons, de devenir partie prenante d’un écosystème en harmonie. Tirant de son expertise en biologie, Kimmerer souhaite ainsi voir l’espèce étrangère (les allochtones) passer d’espèce invasive à espèce naturalisée.

Selon Gaudry et Lorenz (2018), il existe plusieurs niveaux d’autochtonisation, soit inclusive, réconciliatoire et décoloniale.

Tout d’abord, « l’inclusion autochtone est une politique dont le but est d’accroitre le nombre d’étudiant(e)s et de personnel enseignant et non enseignant dans l’académie » (p. 225-226). Or, en augmentant le nombre de personnes autochtones au sein du système, on faciliterait son changement..

Pour ce qui est de l’autochtonisation réconciliatoire, elle « est une vision qui place l’autochtonisation comme un terrain d’entente entre les idéaux autochtones et canadiens, créant un nouveau et plus large consensus » (p. 226).

Finalement, l’autochtonisation décoloniale est « le remaniement complet du monde académique pour réorienter fondamentalement la production du savoir basée sur les relations de pouvoir entre les peuples autochtones et les Canadien(-ne)s, transformant ainsi l’académie en quelque chose de nouveau et dynamique » (p. 226).

Gaudry et Lorenz proposent deux stratégies d’autochtonisation décoloniale, soit celle fondée sur les traités, qui vise une relation d’autonomie et de souveraineté, et celle fondée sur la résurgence, qui place l’université comme un espace de résurgence pour les Autochtones où l’institution facilite la « re/connexion au territoire et aux langues », et laisse la place aux systèmes intellectuels autochtones, ainsi qu’à leur « subversion et contestation » (p. 224-225).


RÉFÉRENCES


  • Bousquet, M.-P. (2016). L’histoire scolaire des autochtones du Québec : un chantier à défricher. Recherches amérindiennes au Québec, 46(2-3), 117-123. https://doi.org/10.7202/1040440ar
  • Commission de vérité et réconciliation du Canada. (2015). Honorer la vérité, réconcilier l’avenir : sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. http://www.trc.ca/assets/pdf/French_Exec_Summary_web_revised.pdf
  • Gaudry, A. et Lorenz, D. (2018). Indigenization as inclusion, reconciliation, and decolonization: navigating the different visions for indigenizing the Canadian Academy. AlterNative, 14(3), 218-227.
  • Maldonado-Torres, N. (2007). On the coloniality of being: Contributions to the development of a concept. Cultural Studies, 21(2-3), 240-270.
  • Quijano, A. (2000). Coloniality of Power and Eurocentrism in Latin America. International Sociology15(2), 215-232.
  • Tuck, E., et Yang, K. W. (2012). Decolonization is not a metaphor. Decolonization: Indigeneity, Education & Society, 1(1), 1-40.
  • White, J. P., et Peters, J. (2009). A Short History of Aboriginal Education in Canada. Aboriginal Policy Research Consortium International (APRCi), 23.
  • Wilson, K. (2018). Pulling Together: Foundations Guide. https://opentextbc.ca/indigenizationfoundations/