La culture influence la façon dont les individus reconnaissent l’expression faciale de douleur
Une nouvelle recherche menée à l’Université du Québec en Outaouais auprès de personnes du Canada et de la Chine conclut que la culture influence la façon dont les individus interprètent l’expression faciale de la douleur.
Menée par Camille Saumure, une diplômée au doctorat de l’UQO, sous la direction de la professeure Caroline Blais et du professeur Daniel Fiset du Laboratoire de perception visuelle et sociale de l’UQO, l’étude vient d’être publiée dans le journal Affective Science. La professeure Blais est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en perception visuelle et sociale.
Camille Saumure, présentement aux études postdoctorales à l’Université de Fribourg en Suisse, signe l’article intitulé Differences between east asians and westerners in the mental representations and visual information extraction involved in the decoding of pain facial expressions intensity.
Les chercheuses et chercheurs ont a comparé des participant.e.s chinois.es de l’Université d’Hangzhou en Chine et canadien.ne.s de l’Université du Québec en Outaouais, deux groupes qui font respectivement partie des cultures plus larges de l’Asie de l’Est et de l’Occident.
L'étude a été réalisée par Camille Saumure, une diplômée au doctorat de l’UQO, à droite, sous la direction de la professeure Caroline Blais, à gauche, et du professeur Daniel Fiset du Laboratoire de perception visuelle et sociale de l’UQO.
L’étude révèle notamment que les Asiatiques de l’Est s’attendent à une expression de douleur plus intense que les Occidentaux. Les résultats indiquent aussi la présence de différences culturelles dans la façon dont les différentes intensités de douleur sont reconnues. En effet, les Occidentaux détectent plus facilement la différence entre deux expressions faciales de douleur présentant différentes intensités.
Pour expliquer ces résultats, les responsables de l’étude se réfèrent aux normes sociales des pays de l’Asie de l’Est et de l’Occident. En effet, en Asie de l’Est, l’expression de la douleur est reconnue comme une marque de faiblesse et comme un manque de respect envers la communauté.
En fait, lorsqu’une personne est en douleur, celle-ci préfère l’endurer et ne pas la signaler jusqu’à ce qu’elle soit insupportable. Il est donc possible que les Asiatiques de l’Est soient généralement plus exposés à des expressions faciales de douleur de plus grande intensité (survenant lorsque la douleur est intolérable et que l’expression ne peut être réprimée). Les Occidentaux, au contraire, sont potentiellement exposés à une variété d’intensité d’expression faciale de douleur. La communication d’émotions négatives est en effet davantage tolérée en Occident.
Ces résultats suggèrent qu’en contexte multiculturel, la douleur pourrait être moins bien reconnue si la personne en douleur et l’observateur ou la personne soignante ne proviennent pas du même groupe culturel. Autrement dit, des différences dans leurs attentes quant à l’intensité avec laquelle la douleur doit être exprimée pourrait mener à des interprétations erronées de la douleur réellement vécue par l’autre.
Ces résultats suggèrent également qu’au-delà des impacts du racisme, les inégalités observées dans le système de santé pour les minorités ethniques pourraient au moins en partie s’expliquer par des normes culturelles distinctes. Mieux connaître ces normes pourrait éviter des situations dramatiques.
Les travaux de Camille Saumure, Caroline Blais et Daniel Fiset ont permis de colliger de nouvelles données qui suggèrent que les expressions faciales de douleur sont similaires d’un groupe culturel à l’autre, mais c’est l’interprétation qui diffère. Des différences dans la façon d’imaginer l’intensité d’une expression faciale de douleur reflètent en effet des normes différentes dans ce qu’une culture considère comme une expression de douleur socialement appropriée.
D’autre part, ils ont aussi voulu vérifier si de telles différences culturelles dans les attentes sont associées à des différences dans l’habileté à reconnaître et juger l’intensité d’une expression faciale de douleur.
À propos de l’étude :
Camille Saumure, première auteure de l’article, la professeure Caroline Blais, principale auteure senior, ainsi que leurs collaborateurs, Marie-Pier Plouffe-Demers, Dan Sun, Manni Feng, Feifan Luo, et les professeurs Daniel Fiset, Stéphanie Cormier, Ye Zhang et Miriam Kunz ont publié l’article Differences between east asians and westerners in the mental representations and visual information extraction involved in the decoding of pain facial expressions intensity dans la revue Affective Science. Camille Saumure est docteure en neuropsychologie et étudiante au PhD à l’Université de Fribourg en Suisse. Marie-Pier Plouffe-Demers est candidate au doctorat à l’Université du Québec à Montréal. Manni Feng et Feifan Luo sont étudiant.e.s au doctorat à l’Université d’Hangzhou en Chine, Dan Sun est étudiante au doctorat à l’Université d’Utrecht. Ye Zhang est professeure à l’Université d’Hangzhou en Chine. Miriam Kunz est professeure à l’Université d’Augsbourg. Caroline Blais, Daniel Fiset et Stéphanie Cormier sont professeurs au Département de psychologie et psychoéducation de l’Université du Québec en Outaouais. Caroline Blais est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en vision cognitive et sociale.
Le 3 mai 2023