L’évaluation, le suivi des peines et la réinsertion sociale des contrevenants sont des préoccupations centrales de notre système de justice pénale. L’entrée en vigueur de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) en 2003 a entraîné de nombreux changements dans la clientèle judiciarisée au Québec. Ce changement a amené Lafortune et ses collaborateurs (2015), dans leur rapport évaluant l’impact de la LSJPA 10 ans plus tard, à soulever de nombreux problèmes pour la réadaptation des jeunes contrevenants. En bref, il faudrait modifier/bonifier certaines pratiques cliniques afin d’intervenir plus intensément et rapidement auprès des jeunes contrevenants.

Depuis quelques années, l’Institut Universitaire Jeunes en difficulté (IUJD), différents acteurs et chercheurs dans le domaine et, plus récemment, Boscoville ont vu cette période comme propice pour prendre un temps d’arrêt et revoir, à la lumière des pratiques probantes, les pratiques cliniques auprès des jeunes contrevenants au Québec. D’un commun accord, le modèle d’intervention Risque-Besoins-Réceptivité (modèle RBR ci-après; Bonta & Andrews, 2017) a émergé comme l’approche clinique à préconiser et à implanter. Une implantation réussie de ce modèle peut entraîner des changements de pratiques importants (Vincent et al., 2016) et des répercussions qui peuvent se faire ressentir par des diminutions des taux de récidive allant jusqu’à 20% (Lipsey, 1999). Dans les dernières années, plusieurs travaux ont également souligné l’importance des traumas vécus par les jeunes contrevenants (Abram et al., 2004; Dierkhising et al., 2013; Kerig & Becker, 2010; Stimmel et al., 2014; Welfare & Hollin, 2015; Wilson et al., 2013) et la pertinence d’interventions sensibles aux traumas auprès de cette clientèle (Hodges et al., 2011; Ford et al., 2012; Kowalski, 2019; Wolff et al., 2017; Wylie & Rufino, 2018). Ainsi, de plus en plus de chercheurs soulignent dorénavant la pertinence de combiner le modèle RBR avec l’approche sensible aux traumas (Bates-Maves & O’Sullivan, 2017; Miller, 2011; Vitopoulos et al., 2019).

En mars 2018, Boscoville a fait appel à l’équipe de recherche afin qu’elle accompagne une équipe dans le développement d’une formation destinée aux délégué.e.s à la jeunesse du Québec. C’est ainsi qu’une formation favorisant les pratiques respectant les principes du modèle RBR et l’approche sensible aux traumas a vu le jour : le Programme Lotus. La présente recherche vise à évaluer l’impact du Programme Lotus sur la pratique des délégué.e.s à la jeunesse et la réinsertion sociale des jeunes contrevenants dans quatre CISSS/CIUSSS du Québec : CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSS-AT), CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ), le CIUSSS Centre-Sud-de-L’Île-de-Montréal (CIUSSS-CSMTL) et CIUSSS de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN).

Le devis de cette recherche sera quasi-expérimental avec mesures pré et post Programme Lotus sans groupe contrôle. Les données seront colligées à partir des dossiers papiers de jeunes contrevenants des CISSS/CIUSSS, d’extraction directement du système informatique Projet Intégration Jeunesse (PIJ), de questionnaires et d’enregistrements audio. Au final, c’est plus de 1000 jeunes contrevenants et 30 délégué.e.s à la jeunesse qui constitueront l’échantillon de cette recherche d’envergure.