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CENTRE DE SOUTIEN ET D'INNOVATION EN PÉDAGOGIE UNIVERSITAIRE

PÉDAGOGIES INVERSÉES


La pédagogie inversée... une « ancienne » nouvelle approche 


Éric Mazur, à qui l’on attribue parfois la paternité de la classe inversée, considère que cette dernière est ni plus ni moins une itération de la maïeutique de Socrate, qui cherchait par le questionnement et la discussion à faire réfléchir et structurer leur pensée à ses disciples. Bref, il s’agit de l’art de « faire accoucher » les meilleures réponses (cité par Dumont et Berthiaume, 2016, p. 7). Le philosophe Olivier Reboul disait aussi qu’enseigner consistait à poser les bonnes questions. 

À cette époque où les rapports aux savoirs sont en partie façonnés par l’abondance d’informations dans Internet, il est possible de constater que l’enjeu de l’accès au savoir devient secondaire au traitement critique et réfléchi des savoirs désormais disponibles à quiconque les cherche. Il s’agit en ce sens d’enseigner et d’accompagner l’exercice de compétences intellectuelles qui incluent les modes de pensée disciplinaires, les opérations associées à l’heuristique des sources d’information et à leur validation, le transfert des savoirs dans l’articulation entre théorie et pratique, la réflexion sur les savoirs, les rapports à y entretenir et leur mobilisation en situation, notamment. 

Comme l’avancent d’ailleurs Dumont et Berthiaume (2016) :

« Qu’on le veuille ou non, les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont en train de révolutionner l’enseignement et l’apprentissage, et la posture académique classique de transmission semble de moins en moins pertinente. À titre d’exemple, au vu de la multitude d’informations à disposition de l’apprenant par l’entremise d’Internet, pourquoi persister dans la croyance que seul l’enseignant peut « présenter » le savoir aux apprenants ? N’est-il pas possible d’orienter les apprenants vers ces sources d’information pour ensuite travailler avec eux les réflexes intellectuels essentiels à la maitrise de ce savoir ? » (p. 8)

C’est exactement ce à quoi réfère le concept de pédagogie ou de classe inversée. 

Toujours selon Dumont et Berthiaume : 

«[…] dans un dispositif s’inspirant du modèle de la classe inversée, la partie transmissive est tout ou partiellement externalisée [sur Internet, dans des capsules, etc.] et le temps ainsi libéré en cours est voué à des activités qui vont permettre aux étudiants de développer leurs processus intellectuels en lien avec les contenus du cours. Les fonctions cognitives de mémorisation, de compréhension sont mobilisées à distance et celles plus complexes d’analyse, de synthèse, d’évaluation et de création sont sollicitées dans le cadre d’activités interactives sous la supervision de l’enseignement.» (p. 9) 

Ainsi, la pédagogie inversée vise à organiser les activités d’apprentissage en présence de la personne enseignante de façon à optimiser le temps consacré à l’accompagnement et l’interaction pédagogiques en plaçant les étudiant.es en situation d’analyse et d’évaluation et de mobilisation des savoirs, de réflexion autour de ces savoirs, de leur nature et de leurs usages.


Plusieurs types de pédagogie inversée sont possibles, nous en présentons deux. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


APPROCHE DÉDUCTIVE

La classe inversée dans une approche déductive repose sur le principe d’activités d’application ou de mobilisation de savoirs et savoir-faire à la suite d’un exposé  (une capsule vidéo en ligne, par exemple) ou de lectures. Les étudiant.es auront donc pris connaissance des savoirs par eux et elles-mêmes et sont ensuite appelés à analyser, évaluer, appliquer ou mobiliser ces savoirs dans le cadre d’activités en « classe », accompagné.es par la personne enseignante (il peut s’agir d’une séance en ligne, en mode synchrone) et idéalement, en travail collaboratif avec leurs pairs. Ces activités peuvent inclure des études de cas, la résolution de problème, l'explication d'un phénomène, l'analyse d'une controverse socioscientifique, des laboratoires, la planification d'une intervention, etc.  L’apprentissage implique ainsi un passage du général au particulier. 

Un exemple :

Les étudiant.es visionnent à la maison une capsule vidéo dans laquelle je présente quelques modèles d'intervention psychosociale, leurs avantages et leurs inconvénients, les conceptions de la personne qu'ils supposent, etc. Je leur fournis dans Moodle des questions qui leur permettront de mieux comprendre les modèles. 

En classe, je leur soumets un cas où une intervention psychosociale pourrait être requise. En équipe, elles et ils analysent le cas, déterminent lequel ou lesquels des modèles serait le plus pertinent à déployer en fonction des paramètres du cas et justifient leur choix. En plénière, elles et ils comparent leurs choix et discutent des ajustements à y apporter. 

Dans cette situation, les étudiant.es vont du général (les modèles) au particulier (le cas). Ils appliquent les modèles à la situation et construisent la compréhension qu'ils et elles en ont en les appliquant.


APPROCHE INDUCTIVE

La classe inversée dans une approche inductive emprunte le chemin contraire ou complémentaire, partant du particulier pour arriver à généraliser. Ainsi, selon cette approche, 

  • les étudiant.es abordent d’abord en « classe » (ou en séance synchrone) un phénomène à étudier dans une de ses manifestations particulières : un cas, un problème, une expérience, un témoignage. 
  • Ils et elles doivent ensuite analyser, solutionner, expliquer, planifier une intervention, etc., en mobilisant des savoirs qu’ils et elles devront trouver et valider avant de les mobiliser ou choisir dans un répertoire de sources validées (vidéos, lectures, etc.), les savoirs requis pour agir adéquatement
  • Il est aussi possible qu’une fois que la manifestation particulière d’un phénomène ait été traitée par les étudiant.es, ils et elles confrontent l’analyse qu’ils en auront fait, les explications, solutions ou interventions qu’ils auront préparées, aux écrits scientifiques portant sur le phénomène. 

Les approches inductives peuvent correspondre aux approches par problème ou situation-problème, ainsi qu’à l’approche par compétences.

Un exemple :

Sur Moodle, je soumets un cas - capsule vidéo, un documentaire, un témoignage - qui pourrait exiger une intervention psychosociale aux étudiant.es. À la maison, de façon individuelle  d'analyser le cas, de formuler une intervention à déployer en fonction des paramètres du cas et de justifier cette intervention. Les étudiant.es peuvent mobiliser toutes les ressources à leur disposition pour se faire. 

En classe, je leur demande d'échanger sur leurs interventions en petites équipes. Ensuite, je leur présente quelques modèles d'intervention psychosociale, leurs avantages et leurs inconvénients, les conceptions de la personne qu'ils supposent. Je leur demande d'analyser leurs interventions à la lumière de ces modèles et de les ajuster, de les bonifier, etc. Enfin, ils et elles partagent en plénière les changements qu'ils et elles ont apportés à leur intervention. 

Dans cette situation, les étudiant.es vont du particulier (le cas) au général (les modèles). Ils et elles développent d'abord une compréhension situationnelle en mobilisant les connaissances existantes, dont ils et elles disposent déjà, avant de s'engager dans la recherche d'outils pour y répondre. Un déséquilibre cognitif risque de survenir lorsque leur intervention est confrontée aux modèles généraux - une porte d'entrée importante pour l'apprentissage - et ils et elles devront réévaluer leur intervention. à la lumière des modèles, qu'ils et elles comprendront dans la comparaison avec leur propre proposition initiale. 

 

 


Référence 

Dumont, A. et Berthiaume, D. (dir.) (2016). La pédagogie inversée. Enseigner autrement dans le supérieur avec la classe inversée. De Boeck Supérieur.