Deux professeurs de l’ISFORT percent l’un des mystères du sirop d’érable
Comment frais est le sirop d'érable? La question peut sembler simple ou étrange, mais pour deux professeurs de l’Institut des Sciences de la Forêt tempérée de l’UQO, la réponse ne l’est pas.
Deux chercheurs de l'ISFORT, Christian Messier et Sylvain Delagrange, ont tenté de percer l’un des mystères du sirop d’érable et ils viennent de publier le fruit de leurs recherches dans le New Phytologist, une prestigieuse revue dédiée à la physiologie des plantes. L’équipe du New Phytologist s’est tout de suite intéressée à l’étude proposée par l’ISFORT.
« On a déterminé qu’en moyenne, le sucre dans l’eau d’érable a entre trois et quatre ans. »
« Il est reconnu que les érables à sucre emmagasinent du sucre chaque année, durant l’été, mais ce qui n’était pas connu est à savoir si le sucre contenu dans l’eau d’érable au printemps venait du sucre produit l’année dernière seulement, ou sur plusieurs années? La question est là depuis longtemps », explique le professeur Messier.
« L’intérêt de cette recherche résidait à la fois dans le sujet que dans la méthode novatrice utilisée pour dater l’âge des sucres » précise le professeur Delagrange. C’est en analysant le changement dans la proportion de carbone 14, qui fut produit lors des essais nucléaires dans les années 70 et qui diminue de façon très régulière dans le temps, que les chercheurs ont pu déterminer l’âge des molécules de sucre récupérées dans l’eau d’érable.
« On a déterminé qu’en moyenne, le sucre dans l’eau d’érable a entre trois et quatre ans. C’est intéressant du point de vue de la recherche fondamentale, mais c’est aussi très intéressant du point de vue de la gestion des érablières. Cela veut dire que si vous avez une mauvaise année de croissance, ça aura peu d’effet sur le taux de sucre le printemps suivant puisque le sucre dans l’eau d’érable ne vient pas seulement de l’année d’avant. Et puisque la moyenne est de trois à quatre ans, cela veut dire que l’érable peut mobiliser des sucres pouvant atteindre jusqu’à 10 ans. »
Le contenu en sucre dans l’eau d’érable est donc beaucoup moins dépendant de l’année précédente, dit-il.
Cette recherche démontre que les érables à sucre peuvent résister à des années de croissance difficiles, comme des années de sécheresse ou très froides. Le taux de sucre de l’eau d’érable que l’on récolte au printemps est donc beaucoup moins sensibles aux conditions de croissance des années précédentes, explique le professeur Messier, ce qui fait qu’il y a moins de raison de s’inquiéter, par exemple, si un été est trop sec ou trop froid.
Ce qui influence avant tout la production d’eau d’érable, c’est la fluctuation de la température durant la saison des sucres et les méthodes d’extraction de la sève. Les conditions optimales pour la production totale dans une saison demeurent les mêmes, explique le professeur Messier : des températures en-deçà de zéro Celsius la nuit et au-dessus de zéro le jour, et ce, sur une bonne période de temps, soit de trois à quatre semaines.
Fait intéressant
Si une partie des recherches s’est faite grâce à la collaboration de M. Beauchamp, propriétaire de l’érablière L’Époque à Saint-André-Avellin, Christian Messier a pu faire une partie de ses recherches dans sa propre cours, car il possède une sucrerie artisanale à Saint-Émile-de-Suffolk. C’est ‘la beauté de la chose’, dit-il en riant. « Le matin, j’allais récolter mon eau d’érable. J’emmenais ça au laboratoire. On faisait la filtration et on envoyait l’eau filtrée en Allemagne. Donc, c’était très agréable de faire ça dans sa propre érablière, derrière sa maison. »
En Allemagne, le sucre contenu dans l’eau d’érable était analysé par l’Institut Max-Planck, un centre de recherche de renommée mondiale, pour déterminer le contenu en carbone 14. « Ils attirent les meilleurs chercheurs au monde en leur offrant des conditions exceptionnelles de financement. »
La recherche des professeurs Messier et Delagrange est un exemple parfait de la contribution de l’ISFORT–UQO à la collectivité. Ces découvertes en recherches fondamentales serviront aux acériculteurs, car les facteurs qui influencent le taux de sucre dans l’eau d’érable est une question qui préoccupe toujours l’industrie, ajoute Christian Messier.
Il poursuit d’ailleurs ses recherches à ce sujet. L’objectif, cette fois-ci, est d’être encore plus précis, soit de connaître la proportion du sucre qui vient de l’année d’avant. Des tests ont été effectués récemment sur des érables à sucre.
La production du sirop d’érable est concentrée dans l’est du Canada et le nord-est des États-Unis. Le Québec représente 71 % de la production mondiale, bien que les parts du sirop américain augmentent. Tous les érables produisent de l’eau d’érable, souligne par ailleurs Christian Messier.
Pour lire l’article des professeurs Messier et Delagrange, dans la revue New Phytologist, cliquez ici.
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Photo 1 : Le professeur à l’UQO, Christian Messier, dans sa cabane à sucre à St-Émile de Suffolk, lors de la production de sirop d’érable.
Photo 2 : Le professeur de l’UQO, Sylvain Delagrange, filtre l'eau d'érable pour enlever les bactéries. L’eau d’érable a été envoyée pour être analysée à l’Institut Max-Planck, un centre de recherche de renommée mondiale situé en Allemagne.
Photo 3 : La précieuse eau d’érable qui été étudiée par les professeurs Christian Messier et Sylvain Delagrange de l’UQO.
Photo 4 : Christian Messier et son fils Mathieu, qui a donné un coup de main à la cabane à sucre.
Photo 5 : Les échantillons d’eau d’érable des professeurs Christian Messier et Sylvain Delagrange ont été envoyés pour être analysés à l’Institut Max-Planck, en Allemagne (photo Sven Doering).