Le Projet Orphée : une œuvre en réalité virtuelle dans une voûte immersive
François Chalifour est chargé de cours à l’École multidisciplinaire de l’image (ÉMI). Il a créé une œuvre en réalité virtuelle dans une voûte immersive, intitulée Le Projet Orphée, qui se trouve actuellement au Laboratoire de cyberpsychologie de l'Université du Québec en Outaouais.
Monsieur Chalifour explique que « l’objectif qui sous-tend le projet de réalité virtuelle consiste à confondre les sens afin que l’image présentée occupe les canaux exacts que le corps emploie dans le décodage du monde naturel. L’enjeu est donc une superposition parfaite du véhicule numérique et de son référent matériel. Ce sont l’accomplissement de la mimésis autant que la complète transparence du signe qui sont concernées par cette démarche. Il s’agit d’une vieille ambition dont l’élaboration remonte au moins jusqu’aux grottes du magdalénien. »
Le Projet Orphée ne s’inscrit pas exactement dans cette dynamique, mais plutôt dans celle de l’essence propre du dessin dont la présence devient, par le médium numérique, enveloppante. Il ne s’agit plus d’être devant un dessin, mais dans un dessin. Le dessin dans sa représentation graphique coïncide avec la virtualité du médium électronique pour produire un espace réel d’interprétation sensorielle qui est à la fois contenu dans la voûte d’immersion et ouvert sur l’horizon projectif d’une spéculation cognitive à la fois dénotative et connotative. En ce sens, le projet est autant spirituel que sémiotique.
La voûte immersive comme une mémoire
Dans le Projet Orphée, les techniques de la réalité virtuelle sont prises en charge et confrontées directement aux éléments plastiques du dessin. L’environnement technologique de la voûte, par sa capacité intrinsèque, crée l’illusion de l’espace tridimensionnel. La problématique artistique du dessin est ainsi abordée dans un contexte scientifique. À titre d’exemple, le dessin des cavernes se présentait déjà à l’époque comme la réalité virtuelle de la préhistoire. Or, on invente aujourd’hui une technologie qui rend cette virtualité d’autant plus saisissante qu’elle est en tous points enveloppante.
Il y a donc, dès le départ, un double niveau d’arrimage. Le premier consiste à fusionner les deux carnets en un tout cohérent. Or la cybernétique, dans le cadre du Projet Orphée, effectue réellement cet arrimage. Ici, les images se combinent, se fondent ou se complètent dans une sorte de page blanche et lisse qui les reçoit et les réinterprète au fil du médium et au gré du thème. Par ailleurs cette technologie doit, en quelque sorte, se plier aux exigences de l’opacité du dessin : le trait ou la texture, par exemple, qui sont loin des idées de la mimésis illusionniste à laquelle nous a habitué le paradigme des jeux vidéos. C’est là que se situe le deuxième niveau d’arrimage. Une sorte d’aller-retour entre le dessin primitif et la technologie du virtuel pour créer un nouvel espace, celui du dessin enveloppant. Il s’agit ni plus ni moins que de réinventer le principe de transposition de la bidimensionalité à la tridimensionalité.
Le Projet Orphée fera l’objet d’une exposition à l’ESPACEMI de l’UQO en mars 2014.