Aller au contenu principal

Une recherche unique et avant-gardiste pour la professeure Julie Bourgault en droit du travail

 

Spécialiste du Droit du travail, la professeure Julie Bourgault s’est penchée sur un sujet très peu exploité pour sa thèse de doctorat qui vient d’être publiée sous forme de livre : les rapports entre la liberté d’association et la liberté d’entreprendre lors de restructuration d’entreprises.

« Personne ne s’est vraiment penché sur la valeur juridique de cette liberté d’entreprendre. Elle est implicite, mais on ne la retrouve nulle part dans les lois », explique la professeure, qui est également membre du comité de développement du baccalauréat en droit civil à l’UQO.

Au cours des dernières décennies, les restructurations d’entreprises ont été nombreuses. Et c’est dans ce contexte que Julie Bourgault s’est intéressée à la protection juridique des travailleurs au-delà des préavis requis par la loi dans le cas de licenciements collectifs.

Ses travaux sur ces rapports entre les libertés d’entreprendre et d’association, l’ont aussi menée à s’intéresser au cas de Wal-Mart Canada, où les efforts d’employés pour se syndiquer au magasin de Jonquière ont défrayé les manchettes et le magasin de Jonquière a ultimement fermé ses portes. Plus près de chez nous, à Gatineau, il y a eu syndicalisation de l’atelier mécanique d’un magasin Wal-Mart, mais cet atelier a par la suite été fermé.

 

 

Julie Bourgault conclut que, d’un point de vue juridique, on accorde beaucoup plus de poids à la liberté d’entreprendre de l’employeur, qu’à la liberté d’association. Or la liberté d’association est reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés et par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, tandis que la protection de la « liberté d’entreprendre » ne se retrouve explicitement dans aucune loi, souligne-t-elle. Cette liberté d’entreprendre est reconnue, bien évidemment, mais elle demeure plus vague; elle est implicite à la protection d’autres droits qui en découlent. Le thème abordé par Julie Bourgault a donc été peu exploité. Elle a tenté de savoir quelle est la valeur juridique de la liberté d’entreprendre

À ce titre, la liberté d’entreprendre se retrouve dans la jurisprudence et elle peut être associée au droit de propriété. L’entrepreneur est propriétaire de l’entreprise sans toutefois être ‘propriétaire’ de ses employés. Dans le Code civil, il y a également des dispositions qui prévoient qu’en vertu d’un contrat de travail, l’employé est subordonné à l’employeur. Donc, implicitement, l’employeur a un droit sur l’employé.

Julie Bourgault estime que les lois du travail ne sont pas toutes adaptées à la nouvelle réalité d’aujourd’hui. Par exemple, le concept d’entreprise n’est plus le même, car une entreprise n’est plus qu’un édifice où les employés vont sur place. Aujourd’hui, nous parlons d’entreprises réseaux ou virtuelles. « Nous avons aujourd’hui de nouveaux statuts d’emplois : des travailleurs à domicile, des travailleurs à temps partiel, le télétravail, des travailleurs autonomes. Ça pose des défis pour la représentation collective et la liberté d’association. »

« Ma conclusion est qu’il y a une incohérence dans le système juridique dans l’interprétation qu’on fait de la liberté d’entreprendre et de la liberté d’association dans un contexte de restructurations d’entreprises. »

La valeur juridique de la liberté d’entreprendre n’est pas la même dans d’autres pays. En effet, dans certains pays, notamment en France, la liberté d’entreprendre a une valeur constitutionnelle, car elle est reconnue par leur Conseil constitutionnel. Ce conseil se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements dont il est saisi.

Dans ce contexte, que suggère la professeure Bourgault : « Comme la liberté d’association a une valeur constitutionnelle, techniquement on devrait aborder ce droit-là d’abord : vérifier s’il y a une atteinte à la liberté d’association. Et ensuite, vérifier si la liberté d’entreprendre justifie cette atteinte-là dans une société libre et démocratique. C’est le cheminement juridique que je propose. Mais présentement, ce n’est pas ce que l’on voit. On ne regarde même pas la liberté d’association, on l’évacue en priorisant la liberté d’entreprendre qui ne bénéficie pas d’une protection législative explicite ni d’un statut constitutionnel. »

 

« Ma conclusion est qu’il y a une incohérence dans le système juridique dans l’interprétation qu’on fait de la liberté d’entreprendre et de la liberté d’association dans un contexte de restructurations d’entreprises. »

 

,

 

La professeure Bourgault vient d’ailleurs de publier un livre sur le sujet inspiré par sa thèse de doctorat dirigée par le professeur Christian Brunelle, maintenant juge à la Cour du Québec. Les membres du jury ont souligné l’apport considérable de la thèse à l’avancement des connaissances en droit du travail, s’agissant d’un « sujet crucial disputé tant sur les plans social, politique que sur le plan juridique », qui n’avait jusqu’ici pas fait l’objet d’une étude très approfondie.

Intitulé Liberté d’entreprendre, liberté d’association  et restructurations d’entreprises, le livre de la professeure du Département de relations industrielles vient d’être publié chez Wilson & Lafleur.

 

 

CLIQUEZ ICI POUR RETOURNER AU MAGAZINE SAVOIR