La professeure Caroline Caron finaliste aux Prix du Canada
Auteure du livre Vues, mais non entendues. Les adolescentes québécoises et l'hypersexualisation, la professeure Caroline Caron, du Département des sciences sociales, figure parmi les finalistes des Prix du Canada 2016, remis par la Fédération des sciences humaines.
« Je suis honorée par cette reconnaissance de mon travail à l'échelle canadienne. Je suis également ravie que l'on reconnaisse la portée sociale et scientifique des recherches menées sur les adolescentes, les médias et la sexualité », affirme l'auteure qui est finaliste dans la catégorie des sciences sociales.
Les Prix du Canada sont attribués chaque année aux meilleurs livres savants en sciences humaines et sociales ayant bénéficié du soutien financier du programme Prix d’auteurs pour l’édition savante (PAES). Ils visent à souligner leur contribution exceptionnelle à la recherche et à la vie intellectuelle au Canada. L’annonce des quatre lauréats des Prix du Canada 2016 se fera le 11 avril. D’une valeur de 2 500 $ chacun, les prix seront remis à l’occasion d’une cérémonie qui se tiendra à l’Université de Calgary au mois de mai prochain dans le cadre du Congrès des sciences humaines 2016.
L’ouvrage Vues, mais non entendues. Les adolescentes québécoises et l'hypersexualisation analyse le rôle de l’expertise professionnelle et scientifique dans la construction médiatique des problèmes sociaux. L’auteure y examine l’évolution de la controverse sur l’hypersexualisation au Québec au cours des années 2000. Elle donne également la parole à des adolescentes, dont les points de vue se sont peu fait entendre ces dernières années.
« L’attention soutenue des médias envers le thème hypersexualisation a amplifié des inquiétudes sociales au sujet de la sexualité des adolescentes. À force d’insinuer que des dangers imminents guettaient les jeunes, les experts ont renforcé l’idée qu’il fallait encadrer de manière plus serrée l’habillement des adolescentes et enrayer tout excès dans l’expression sexuée de leur identité. Cette perception exagérée d’une précocité sexuelle généralisée a présenté les adolescentes comme des élèves insubordonnées qu’il fallait contrôler, voire protéger contre elles-mêmes », constate madame Caron.
Le titre du livre, Vues, mais non entendues, vient du constat que les médias ont dénoncé l’hypersexualisation de manière sensationnaliste et sans véritablement donner la parole aux premières intéressées. Pourtant, les adolescentes interrogées se sont montrées non seulement loquaces, mais également critiques de la sexualisation grandissante de la mode, des célébrités et des médias en général. Elles ont aussi remis en question les réformes vestimentaires que la controverse a entrainées dans les écoles secondaires du Québec. « Leurs frustrations étaient grandes envers l’introduction des uniformes et la refonte des codes de vie dans leurs écoles », ajoute Caroline Caron. Elles étaient particulièrement choquées par la mise en œuvre variable et incohérente des codes vestimentaires, ainsi que par leur caractère sexiste. « Ces adolescentes observent une logique du deux poids deux mesures. Les garçons jouissent d’une certaine liberté dans leurs choix vestimentaires, tandis que les élèves féminines sont constamment surveillées et punies : on mesure la longueur de leur jupe, on vérifie la largeur des bretelles de leur camisole, on les empêche de retourner en classe si elles ne changent pas leurs vêtements ».
Les discussions avec les adolescentes ont abouti à des débats quant à l’acceptabilité de l’uniforme scolaire. Certaines adolescentes en vantent le côté pratique et l’effet égalisateur sur les statuts sociaux des élèves. D’autres y voient un marqueur identitaire dont la suppression brimerait leur liberté et leur sentiment de bien-être. Elles sont toutefois unanimes dans le blâme qu’elles adressent aux autorités scolaires qui n’ont pas consulté les élèves ou qui l’ont fait de manière factice à leurs yeux.
La professeure Caron se réjouit que son livre ait rejoint à la fois les universitaires, les étudiants et le grand public. Elle est particulièrement touchée par les témoignages de parents qui disent avoir pu rajuster leurs perceptions après la lecture de l’ouvrage. « Les conduites sexuelles à risque et la précocité sexuelle ne sont pas l’apanage d’une majorité de jeunes », souligne madame Caron. « Et la mode sexy a été, somme toute, passagère ».
La professeure ajoute : « Durant la controverse sur l’hypersexualisation, bien des parents se sont sentis inquiets et tiraillés à cause d’un discours médiatisé qui leur donnait l’impression que toutes les adolescentes étaient en danger, et qui mettait en cause, aussi, leurs compétences parentales ». En offrant une analyse rétrospective de la construction médiatique de l’hypersexualisation, l’ouvrage Vues, mais non entendues incite à reconsidérer les réactions institutionnelles qui paraissaient sensées dans les moments forts de la controverse, mais dont le caractère autoritaire appelle aujourd’hui à la réflexion.
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