Recherche et création

Caroline Blais

Déchiffrer les expressions du visage !

Juger une personne au premier regard, nous le faisons tous ! Chaque fois que nous sommes en face d’un inconnu, nous avons le réflexe de le dévisager et en moins d’une seconde, notre cerveau réagit à la physionomie de l’autre. C’est notre cerveau qui décode ce que l’on voit en fonction des informations qui y sont stockées et qui nous amène à nous forger une idée de l’autre qui peut être, à l’occasion, erronée ou discriminatoire. Ce qu’on nomme « la première impression » est invariablement influencée par ce que nos yeux perçoivent et par une foule de facteurs cognitifs et sociaux. La compréhension des dimensions neurologiques et psychologiques des mécanismes visuels impliqués dans les expressions faciales et la perception des visages sont au cœur des travaux de la chercheure de l’UQO, Caroline Blais.

                                                                                                                           

Titulaire de la chaire de recherche du Canada en vision cognitive et sociale et professeure au Département de psychoéducation et psychologie de l’UQO,  Caroline Blais se passionne pour un champ bien précis des neurosciences, soit la mécanique des yeux et l’interprétation de ce qui peut être communiqué par les expressions du visage. Jusqu’à récemment, les recherches dans ce domaine se faisaient auprès de groupes très homogènes d’étudiants de culture occidentale, ce qui alimentait une vision théorique plutôt uniforme et typée des mécanismes de la perception visuelle.  Cette vision longtemps considérée comme une référence, est de plus en plus remise en question par des chercheurs comme Caroline Blais qui codirige le Laboratoire de Perception Visuelle et Sociale de l’UQO où sont, entre autres, réalisées, des études comportementales basées sur des échantillonnages beaucoup plus diversifiés.

 

Pour Caroline Blais, la perception visuelle n’est pas un concept unidimensionnel car il existe une variabilité de stratégies de reconnaissance visuelle, chacune conditionnées et influencées par l’environnement d’une personne. Par exemple, chez une personne d’origine asiatique versus une autre vivant dans un pays nordique ou en Afrique, l’expression de la douleur ne se traduira pas exactement de la même façon, idem pour le dégoût, le contentement ou la surprise. C’est pour mieux comprendre ces particularités que Caroline Blais dédie un volet de ses recherches aux mécanismes de reconnaissance visuelle des visages en Asie et en Afrique.

 

« En réalisant des recherches avec des groupes de participants de culture et d’origine diversifiées, on réalise que les mécanismes d’interprétation des visages sont très variables. Comprendre cette variabilité, c’est l’objectif de mes recherches. Je veux comprendre comment la culture, les traditions, les mythes, les préjugés raciaux, etc. auxquels adhère un individu et l’environnement visuel dans lequel il s’est développé influencent la perception visuelle qu’il a d’un autre individu. En se centrant sur les mécanismes instinctifs du traitement visuel des physionomies pour décrire les expressions d’un visage, il est possible de comprendre comment l’expérience, les habiletés, la culture et certains traits de personnalité teintent ces mécanismes »

Caroline Blais, Département de psychoéducation et psychologie de l’UQO.

 

L’étude des stratégies de reconnaissance faciale est très complexe et relève de la recherche fondamentale qui prend du temps mais dont les retombées profiteront certainement aux secteurs de la santé, de la sécurité et des technologies. Selon Caroline Blais, ses recherches devraient nous permettre notamment, d’avoir une meilleure compréhension des personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme, des personnes atteintes d’Alzheimer et autres qui n’ont pas la capacité d’exprimer verbalement certaines émotions ressenties comme la douleur.

 

« Ce qui m’apparait de plus en plus évident jusqu’ici, c’est que les différentes informations visuelles sur lesquelles nous avons pris l’habitude de nous baser pour décoder les émotions chez autrui, ne sont pas nécessairement les plus optimales ! Notre inefficacité à aller extraire la bonne information est encore pire lorsque la personne qui exprime une émotion ne provient pas du même groupe ethnique que nous. Pour la détection automatique des émotions, on ne peut plus juste se fier à une « moyenne », mais tenir compte de la variabilité individuelle. Ma recherche pourrait servir à nourrir les algorithmes qui seront utilisés dans le futur.  Par ailleurs, ma recherche sur l’expression de douleur pourrait aussi avoir des implications importantes dans le milieu de la santé. Par exemple, pour les personnes qui ne peuvent s’exprimer verbalement, on va trop souvent se baser sur une conception générique de l’expression faciale de la douleur sans considérer d’autres facteurs qui peuvent influencer sa façon de l’exprimer, comme sa condition sociale, le contexte culturel, etc. Il est donc essentiel de mieux répertorier et identifier ces différents facteurs pour mieux évaluer et intervenir »

Caroline Blais, Département de psychoéducation et psychologie de l’UQO

 

Pour Caroline Blais, l’accent mis par l’UQO sur l’interdisciplinarité favorise le type de recherche fondamentale qu’elle poursuit, car pour comprendre mieux les mécanismes qui sont à la base de la perception visuelle, il faut nécessairement explorer plus d’un champ de recherche. Pour ce faire, elle a fondé le Groupe de Neurosciences Sociales (GNS), qui regroupe des chercheurs de l’UQO dans le domaine des neurosciences.